Le départ

Crédits : M Rigaux

Tout était calme autour du port minier d’Alphanor IV. Des nuages blancs roulant sur des montagnes lointaines. A couper le souffle mais identique jour après jour. Un mois après son transfert, le Major Robertson avait trouvé cela ennuyeux, il devait se l’avouer.

Mais plus maintenant. Alphanor IV abritait des mines de deinium, le graal des métaux lourds nécessaires à l’alimentation des unités de propulsion des moteurs Alcubierre. Le problème était que, pour une raison inconnue, les planètes possédant ces mines attiraient à elles des trous noirs moins d’un siècle après leur découverte et mise en exploitation. Certains avaient suggéré que c’était l’inverse, que les trous noirs déformaient l’espace lointain jusqu’à ce que le déinium apparaisse. Le Major s’en moquait. Il ne s’intéressait pas à la science. Il avait un travail à faire et ce jour était le sien.
Il se dirigea vers l’aire d’atterrissage extérieure. La navette qui amenait les derniers mineurs s’était écrasée au lieu d’atterrir proprement. Il n’y avait plus de temps à perdre.

Au-delà de l’horizon solaire, un trou noir approchait. Dans moins d’un jour, sa distorsion de gravité piégerait tous ceux qui resteraient sur Alphanor IV. Même maintenant, le pilote du vaisseau spatial qui surplombait le major n’était pas sûr de s’échapper. Un milliard de crédit pour chacun mineur présent sur ce dernier vol. Ils avaient tous voté pour rester plus de jours, même après que l’Emeraude, le vaisseau précédent, ait explosé dans sa fuite.

Les mineurs sont sortis en plein chaos.

– De l’ordre, cria-t-il à pleins poumons. Je veux de l’ordre.

Des murmures de colère lui répondirent. Un mineur fit un pas en avant et le Major le frappa au visage, l’envoyant au sol d’un seul coups. Derrière lui, ses Marines, en tenue anti-émeute, avaient sorti les grenades neuroparalysantes. Le message était simple. Obéissez et tout ira bien. Ou on vous chargera comme des bêtes endormies dans les cales.

La foule se calma et la peur leur retomba dessus. La panique était proche et serait leur perte.

Le Major aboya.
– Nous avons sorti toutes des places à bord. Maintenant, une seule ligne, et on monte dans le vaisseau.

Un technicien lui toucha l’épaule.

– Monsieur, nous ne pouvons pas charger la navette planétaire. Elle est trop endommagée.

Il rit en regardant la foule.

– Laissez-la ici. Chargez juste le minerai.

Ils avaient traversé la moitié de l’univers pour travailler ici et ils savaient comment obéir.

La ligne s’est formée comme il le souhaitait et ils ont commencé à embarquer. Deux fois encore, des mineurs essayèrent de forcer le passage. Des côtes brisées, le nez en sang répondirent et chacun embarqua.

Le Major Robertson regarda une dernière fois l’horizon tranquille, les énormes nuages, huma l’air frais et tourna les talons, le dernier à bord.